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nombreux qu’il leur avait confiés. » Polyxo préparait l’hymen d’Actorion[1] ; elle conviait à la fête Triopas et son fils : « Triopas ira, lui disait-on avec larmes ; mais Érésichton, atteint il y a neuf jours, dans les vallées du Pinde, par un fier sanglier, ne peut encore se soutenir. » Mère infortunée, mère trop tendre, quels détours n’avez-vous pas inventés ? L’appelait-on aux festins : « Érésichton est loin de ces lieux. » Célébrait-on quelque hymen : tantôt « Un disque l’a frappé ; » tantôt « Un cheval fougueux l’a terrassé ; » tantôt « Il compte ses troupeaux sur l’Othrys. »

Cependant au fond de son palais, Érésichton, passant les jours à table, y dévore mille mets. Plus il mange, plus s’irritent ses entrailles. Tous les aliments y sont engloutis sans effet, comme au fond d’un abîme.

Tel qu’on voit la neige du Mimas[2], ou la cire fondre aux rayons du soleil, tel et plus promptement encore on le vit dépérir. Bientôt les fibres et les os seuls lui restèrent. Sa mère et ses sœurs en pleurèrent, le sein qui l’avait allaité en soupira, et ses esclaves en gémirent. Triopas lui-même en arracha ses cheveux blancs, et s’adressant à Neptune, qui ne l’entendait pas : « Non, s’écriait-il, tu n’es point mon père ; ou, s’il est vrai que je sois né de toi et de la fille d’Aéole, regarde l’infortuné qui doit te nommer son aïeul, puisque c’est moi qui lui donnai le jour. Que n’est-il tombé sous les traits d’Apollon ! Que ne l’ai-je enseveli de mes mains ! Faut-il que je le voie dévoré par la faim ! Éloigne donc de lui ce mal funeste, ou toi-même prends soin de le nourrir. Pour moi, j’ai tout épuisé. Mes bergeries sont vides, mes étables sans trou-

  1. Vraisemblablement le même que celui qui est mis par Orphée au nombre des Argonautes. Comme le poëte ne dit point le nom de la mère de ce héros, il est vraisemblable que c’était cette Polyxo dont parle ici Callimaque, et qui ne peut rien avoir de commun avec les autres héroïnes de ce nom, dont il est parlé dans les anciens mythologues qui nous restent.
  2. Promontoire de l’Ionie fort élevé.