Page:Lyriques grecs - traduction Falconnet.djvu/503

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fils de la lumière… Enfant déplorable, tu as vu les appas de Minerve, mais tu ne verras plus le soleil… Mère infortunée !… Mont que j’abandonne à jamais, fatal Hélicon, que tu vends cher à mon fils ses plaisirs ! Pour quelques faons, quelques daims qu’il a percés de ses traits, il lui en coûte les yeux. »

Ainsi Chariclo, semblable à la plaintive Philomèle, déplorait le destin de son fils, qu’elle embrassait et baignait de ses larmes. Minerve eut pitié de sa compagne et lui dit : « Nymphe, désavouez un discours que vous dicte la colère. Ce n’est point moi qui viens d’aveugler votre fils. Quelle douceur aurait pour Minerve le supplice d’un enfant innocent ? N’en accusez que la loi de l’antique Saturne, qui met au plus haut prix la vue d’un immortel, quand on le voit sans que lui-même y consente. Nymphe, l’arrêt est irrévocable, et tel est le sort que le fuseau des Parques réservait à votre fils dès l’instant qu’il est né. C’est à lui de supporter son destin. Ah ! combien d’holocaustes la fille de Cadmus et son Aristée voudront-ils un jour offrir aux dieux pour obtenir que leur fils, le jeune Actéon, ne perde que la vue ! En vain aura-t-il été le compagnon de l’auguste Artémis ; en vain aura-t-il cent fois avec elle poursuivi les hôtes des bois : rien ne garantira ses jours lorsque ses regards auront, quoique involontairement, surpris la déesse dans son bain. Mais soudain ses propres chiens dévoreront leur ancien maître, et sa mère, parcourant les forêts n’y retrouvera que les os dispersés de son fils. Combien de fois alors appellera-t-elle heureuse et fortunée celle dont le fils sur ces montagnes n’aura laissé que les yeux ! Sèche donc tes pleurs, ô ma compagne ! puisqu’en ta faveur je réserve encore à ton fils un don consolateur. Je veux que les Thébains révèrent en lui le plus grand et le plus renommé des prophètes. Il saura distinguer dans le vol des oiseaux les augures prospères, indifférents et sinistres. C’est de lui que les Béotiens, que Cadmus et les fameux Labdacides recevront mille oracles.