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Ombilicale. Les sœurs des Corybantes, les nymphes de Dicté te reçurent dans leurs bras et te mirent dans un berceau d’or, où Adrastée te provoquait au sommeil. Là tu te nourris du lait abondant de la chèvre Amalthée et des rayons du miel le plus doux, que l’abeille Panacris travailla soudain sur ces rochers de l’Ida qu’on appelle de son nom. Les Curètes figurèrent autour de toi les pas compliqués de la pyrrhique, en frappant sur leurs armes ; et le son de leurs boucliers étouffant le bruit de tes cris, parvint seul aux oreilles de Saturne.

Ainsi, dieu du ciel, vit-on croître, ainsi vit-on s’élever ton enfance. Bientôt vinrent les jours de ta jeunesse, et le duvet ombragea ton menton ; mais dès l’enfance, ton esprit était déjà mûr. Aussi tes frères, quoique tes aînés, t’ont-ils cédé l’Olympe sans oser te l’envier.

Poëtes mensongers, en vain avez-vous dit jadis que le sort distribua les empires aux trois fils de Saturne. Quel est donc l’insensé qui, dans la même balance, mettrait l’Olympe et les enfers ? Quand les partages sont égaux, le sort en peut être l’arbitre ; mais, entre ces deux empires il y a trop d’inégalité. Lorsqu’on ment, au moins faut-il être croyable. Non, grand dieu, non, ce ne fut point le sort qui te fit roi des dieux ; ce furent tes exploits, ta valeur et la Force[1] que tu plaças au pied de ton trône. Tu chargeas aussi le prince des oiseaux d’annoncer tes augures ; puisses-tu n’en envoyer que d’heureux à mes amis !

Ô Jupiter ! tu t’es réservé l’élite des mortels. Ce ne sont ni les nochers, ni les guerriers, ni les poëtes : tu laisses à des dieux inférieurs le soin de protéger ; mais ce sont les rois eux-mêmes, les rois qui tiennent sous leur main le laboureur, le guerrier, le matelot, tout enfin ; car est-il rien qui n’obéisse à son roi ? Qu’à Vulcain donc soit consacré le forgeron, à Diane le chasseur, à Mars le soldat, à

  1. On sait que les poëtes avaient personnifié la Force et la Violence.