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sensible à la perte de cet ami, et nous avons encore une petite élégie qu’il composa sur la mort de son hôte. Cette pièce, trop courte pour nous mettre à portée de juger par nous-même du talent de Callimaque en ce genre, porte néanmoins un caractère de sensibilité qui lui fait honneur.

Il faut convenir qu’il en agit bien différemment avec le célèbre auteur du poëme des Argonautes, Apollonius, qui, de son disciple et de son ami, devint son ennemi déclaré, fin trop ordinaire des liaisons des gens de lettres. Il se peut que Callimaque, sûr de ses forces et dédaignant une fausse modestie lorsqu’il parlait de lui-même, ne ménageait point assez l’amour-propre de ses rivaux, dans une carrière où l’émulation dégénère quelquefois en haine implacable. On voit, par quelques fragments de ses œuvres, qu’il connaissait bien son propre mérite. Souvent il se vantait, comme nous l’avons déjà vu, d’avoir triomphé de l’envie ; d’autres fois il s’annonçait pour n’aimer et ne chercher que la gloire. Cependant, comme un pareil langage est pardonnable aux poëtes, surtout quand une fois l’estime publique les a couronnés, et que dans d’autres moments il savait, à ce qu’il semble, apprécier sa juste valeur, on peut croire que dans cette rupture le tort fut tout entier du côté d’Apollonius. Le caractère qu’on donne à ce dernier doit nous le persuader aisément. La jalousie, selon le témoignage des anciens, fut son défaut dominant. Il ne serait donc pas étonnant que cette passion eût banni de son cœur la reconnaissance. Blessé de l’éclat d’une réputation que la sienne ne pouvait éclipser, plus envieux peut-être encore de la faveur des rois, qui ne le considérèrent jamais autant que son maître, il chercha bassement toutes les occasions de lui nuire. Comme l’agrément et l’élégance des ouvrages de Callimaque laissaient peu de prise à la censure, il l’attaqua du côté de l’invention et du génie. Callimaque, en homme de goût, était persuadé qu’il est difficile d’intéresser longtemps des lecteurs ; il pensait, comme l’a si heureusement exprimé quelque part le plus grand poëte de nos jours, que


Le secret d’ennuyer est celui de tout dire ;


et souvent il avait à la bouche ce mot qui depuis est passé en proverbe : qu’un grand livre est un grand mal. En conséquence, parmi ses nombreux écrits, il s’en trouvait peu qui fussent d’une certaine étendue. Son détracteur attribua leur brièveté à la sté-