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« Hélas ! hélas ! » Toutes les montagnes et les forêts redisent : « Hélas ! Adonis. » Les fleuves sont sensibles aux douleurs de Vénus ; les sources, sur les montagnes, pleurent Adonis, et les fleuves, dans leur tristesse, se colorent de sang. Cythérée fait retentir de sa douleur les monts et les vallées : « Hélas ! hélas ! Cythérée, il n’est plus le bel Adonis! » L‘écho a répondu : « Il n’est plus le bel Adonis ! » Qui refuserait des larmes au malheureux amour de Cypris ? Hélas ! hélas !

Dès qu’elle vit, qu’elle aperçut l’affreuse blessure d’Adonis ; dès qu’elle vit le sang épanché sur sa cuisse flétrie, elle étendit les bras en disant d’une voix plaintive: «Arrête, Adonis ! arrête, malheureux Adonis ! que je te voie pour la derniére fois, que je t’embrasse encore, que je colle mes lèvres sur fes lèvres ! Réveille-toi un moment, cher Adonis; embrasse-moi pour la dernière fois; embrasse-moi tant que ton baiser vit encore plein de flamme : que ton dernier soupir passe au fond de mon cœur et pénètre dans mon ame; que je savoure ce doux philtre, que je m’enivre d‘amour. Je conservera! ce baiser comme toi-même, puisque tu me fuis , infortuné! Tu fuis loin de moi , cher Adonis; tu vas aux bords de l’Achéron, vers le roi sombre et farouche. Et moi, malheureuse, je vis , je suis déesse , et je ne puis raecompagner. Proserpine, reçois mon `époux; tu Pemportes de beaucoup sur moi: tout ces qu’il y a de beau descend vers tol. Je suis au comble de l’infortune, ma douleur est inconsolable : je · pleure Adonis, qui est perdu pour moi, et je te crains , déesse. Tu meurs, aimable Adonis; monrbonheur s’est envolé comme un songe; Cythérée est veuve; les Amours errent inutiles dans mon palais; ma ceinture a péri avec toi. Et pourquoi donc, téméraire , allais-tu chasser ‘? Avec tant de beauté, quelle fureur d‘attaquer les bétes féroces ? »

Ainsi gémissait Vénus. Les Amours disaient ensemble : a Hélas ! hélas ! Cythérée, il n’est plus le bel Adonis ! a Vénus répand autant de larmes qu’Adonis perd de sang.