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SUR L’AUTEL


Chronique de l’An 2000

Depuis l’aube, sous l’ironie d’un printemps glacé, cet homme errait.

Son visage était jeune et pâle ; de longs cheveux bouclaient sur sa nuque. Dans ses yeux ardents et cernés luisait une immense inquiétude. Tous les doutes, tous les désespoirs, toutes les souffrances avaient meurtri son front trop large. Toutes les fièvres agitaient ses membres humiliés, ses mains sans chair. Toutes les hontes courbaient son dos. Et les joues creuses, et le linge douteux, et les habits flottants disaient d’autres douleurs plus urgentes.

Par les larges avenues de la ville, marchant au hasard et d’un pas halluciné, il allait, fréquemment heurté par d’autres hommes, car chacun se hâtait vers son plaisir ou vers son labeur, et, pour faire place à ce rêve ambulant, nulle de ces volontés tendues n’eût dévié de sa route. On n’accordait au triste promeneur ni l’aumône d’un regard, ni la grâce d’une excuse et les multiples dynamies de la cité, poussées par de communes audaces, également rapides, farouches, impitoyables, se pressaient, se croisaient, s’évitaient autour de lui.

Rien d’humain ne semblait animer la poitrine de ces êtres : le siècle avait fait d’eux des machines. Les rouages de la société, savamment engrenés, excellaient à broyer les