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de Frouilloule, il n’y a que deux lieues : acheminons-nous vers cet endroit, Qui sait ce que la Providence réserve à nos besoins ?

Je souscrivis parce que j’avais faim et que nous étions sans ressources. Nous nous mettons en route, marchons avec force et franchissons tous les mauvais pas. Cette action nous donna de la couleur, et nous parvînmes au premier gîte où l’on voulut nous héberger : il n’était pas brillant.

Le même soir étaient arrivés dans une auberge voisine un monsieur et une dame, qui se promenaient en attendant leur souper : ils nous aperçurent, et notre misère les toucha. Leur charité nous appela à leur table, qui était commune. Le monsieur, négociant expérimenté, fut galant au delà de toute expression ; mais, las des charmes de la dame ou merveilleusement épris des grâces d’Émilie, qu’il avait placée à ses côtés, il prodigua toutes les phrases capables d’intéresser la fille la plus froide, sans pourtant manquer aux égards qu’il devait décemment à sa dame de compagnie. Je fus la seule presque dédaignée ; et je me serais dépitée, si cette bonne dame, en me serrant la cuisse sous la table, ne m’eût fait comprendre que je ne gagnerais rien à paraître jalouse, et qu’elle aurait soin de moi.

J’entendis tout, et je ne me plaignis pas. Après le souper et quelques pourparlers du négociant avec Émilie, elle vint m’embrasser en pleurant.

— Ma chère Lyndamine, me dit-elle, il faut suivre le vent. Ce brave homme me propose d’aller faire un tour