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encore accoutumé au confortable superflu qui, devient un nécessaire, quelle impression me fit, à ma première tournée avec le colonel Galliéni sur la frontière de Chine, la rude vie des jeunes officiers chefs de poste. J’en revois un, à peine sorti de Saint-Cyr, habitué en France à une existence aisée et distinguée, élégant et charmant, qui, pour recevoir le colonel au poste perdu où il vivait seul Français avec ses trente tirailleurs, avait mis sa plus belle tenue, correct, ganté, comme pour le bal, et tandis que, évoquant avec lui le souvenir de ses camarades de la cavalerie, où il eût pu entrer, et des brillantes garnisons suburbaines, je ne pouvais m’empêcher de remarquer et sa vie sévère loin des choses familières et aimées, et sa belle humeur : « Mais, fit-il vivement, je ne m’ennuie pas un instant : avec le soin de mes hommes, la reconstitution de ces rizières à peine reprises à la piraterie, mes briqueteries, mes constructions, mon marché, mes règlements de comptes avec le poste chinois d’en face, la topographie de la région, mes journées sont trop courtes ! »

Un an après, presque jour pour jour, sur la haute rivière Claire, dans les grands combats livrés par le colonel Vallière et si heureusement terminés par la destruction de la grande piraterie chinoise, il tombait, frappé en plein cœur,