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cela ! Je ne voulais rien dire devant ma sœur et mon jeune frère, qui n’auraient pas osé rester plus longtemps dans cette maison, et qui n’auraient rêvé que lutins, à la moindre souris qui aurait trotté, la nuit. Et puis aussi, alors, je me défendais bien de croire aux lutins et aux apparitions.

On se coucha tranquillement, et rien ne vint plus troubler notre sommeil, pour cette nuit.

Voilà ce qui m’est arrivé, à moi qui suis ici à vous le raconter, non d’après le récit de tel ou tel, mais pour l’avoir entendu moi-même, n’étant ni ivre, ni endormi. Eh ! bien, Ewenn, eh ! bien, Ann Drane, vous avez dit qu’en pareil cas, il ne faut jamais avoir peur, ni fuir, mais qu’on doit, au contraire, aller droit au but, s’avancer hardiment vers le fantôme ou le bruit, et ne pas s’en aller avant d’en avoir la raison. Et qu’eussiez-vous fait, à ma place ? Voyons, dites. Me suis-je montré trop peureux ? N’ai-je pas battu le taillis en tous sens, sans trouver personne ? N’ai-je pas défié et injurié le lutin lui-même, ou le diable peut-être, qui sait ? Que pouvais-je faire de plus, et comment agir avec un ennemi invisible et insaisissable ?

— J’avoue, dit Ewenn, que tu as montré du courage et du sang-froid, selon ton habitude, bien que tu aies toujours fini par avoir peur : mais, dans ces deux circonstances, tu dis avoir beaucoup entendu de bruit et de vacarme, sans avoir rien vu, de sorte que…