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l’entendre chanter et rire, tout le long du jour, au lieu que la vieille Marc’harit grognait et bougonnait souvent. Mais Barbaïc, qui rêvait sans cesse à quelque malice ou espièglerie, eût un jour l’idée de vouloir rire aux dépens de son ami le lutin. Hélas ! ce fut pour son malheur !

Une nuit, avant de se coucher, elle chauffa au feu le galet, puis le mit à la place ordinaire, et, de son lit, elle guetta avec impatience l’arrivée du lutin. Il vint, comme d’habitude, et alla, sans défiance aucune, s’asseoir à sa place accoutumée. Mais, aussitôt il se releva, en poussant un cri, un cri épouvantable qui ébranla toute la maison, puis, il s’enfuit, en se grattant les fesses, et renversant tout sur son passage. Barbaïc eût peur, reconnut qu’elle avait commis une faute grave, et s’en repentit. Mais hélas ! il était trop tard ! Depuis ce jour, tout alla on ne peut plus mal pour elle. Les vaches devinrent maigres et décharnées, ne donnèrent presque plus de lait, et le peu qu’elles en donnaient aigrissait sur le champ. Dans la cuisine, ce fut un désordre et une malpropreté inconcevables. La pauvre fille avait perdu toute sa gaîté, et elle avait la main si malheureuse, qu’elle ne pouvait plus toucher à un pot, à une assiette, sans les laisser tomber sur les dalles de la cuisine, et les voir voler en éclats ; — et alors, un rire terrible, effrayant, retentissait à ses oreilles. La cuisine aussi était devenue détestable : la soupe et la