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— Voilà ! voilà ! reprit Pipi ; toujours la même explication, qui n’explique rien : vous aviez bu abondamment, votre imagination travaillait (toujours l’imagination), vos yeux voyaient trouble et prenaient pour des fantômes et des géants les troncs d’arbres et les rochers ; vos oreilles tintaient et interprétaient à leur gré le bruit du vent dans les arbres, etc., etc.. et toujours, toujours la même chose ! Mais, tonnerre de Brest ! allez conter cela à d’autres ; je ne suis peut-être pas un enfant à avoir peur de son ombre, et quand je dis avoir vu ou entendu une chose, je l’ai vue ou entendue, et non rêvée. Vraiment ces esprits forts qui, tirant vanité de leur incrédulité, pensent avoir seuls le privilège de la bravoure, et s’imaginent qu’ils n’y a qu’eux pour avoir de bons yeux, de bonnes oreilles et des sens infaillibles et surtout une imagination toujours sûre, calme et froide, sont impatientants. Ah ! que je voudrais donc les voir à l’épreuve ! Moi aussi, j’ai été un peu comme cela ; mais, on change, avec l’expérience et le temps.

Et puisque je suis sur ce chapitre, écoutez encore ; vous verrez qu’ils m’expliqueront aussi ce que je vais dire ; mais toujours par les mêmes mots : imagination, sens troublés, fièvre, etc..

C’était encore à Rune-Riou. Pendant que j’ai habité cette maison, j’ai eu tout le temps de faire connaissance et de me familiariser avec les lutins et autres habitants du monde