Page:Luzel - Veillées bretonnes, Mauger, 1879.djvu/70

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faisais des efforts pour le repousser avec mes mains. Enfin, ne sachant plus ce que je faisais, mourant de frayeur, je quittai le lit, et m’enfuis en chemise.

Et c’est dans ce triste état que j’ai passé presque toute la nuit dans votre jardin, jusqu’au chant du coq, n’osant aller chercher mes habits, tant j’avais peur de la Demoiselle, ni aussi aller réveiller les domestiques, à l’écurie, tant j’avais honte de me montrer dans cet état et craignais de devenir la risée de tout le monde.

Voilà, madame, pourquoi vous me voyez ce matin un peu triste, et pourquoi aussi je m’approche tant du feu, car je vous assure qu’à cette époque de l’année, les nuits sont un peu fraîches pour les passer dehors, en toilette si légère[1].

— Allons, Marc, dit ma tante, vous m’étonnez beaucoup : jusqu’à présent, j’avais regardé l’histoire de la Demoiselle de Kercabin comme une fable inventée à plaisir ; mais, d’après tout ce que vous venez de me raconter, je vois que c’est sérieux, que c’est vrai, et je n’en plaisanterai plus. J’entends bien le cheval de Margéot, moi, pourquoi d’autres ne verraient-ils pas la Demoiselle de la chambre blanche ? Mais, pour n’exposer plus personne à passer une aussi mauvaise nuit que celle que vous avez passée, mon pauvre Marc, la Chambre blanche sera démolie, et personne n’y couchera plus.

  1. Cette aventure du fermier est historique.