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et tout cela, il faut le dire, ne donne pas bien bonne opinion des seigneurs féodaux de Kercabin. Ainsi, une ancienne ballade, dont j’ai entendu chanter quelques couplets, parle d’une jolie couturière (ar gemenerez koant) contre laquelle tous les beaux discours, toutes les promesses et les offres séduisantes du seigneur de Kercabin échouèrent misérablement. Mais la pauvre fille paya de la vie son honnêteté et sa vertu, car la tradition nous apprend que le seigneur, peu habitué à éprouver de pareils échecs, et furieux de ne pouvoir arriver à ses fins, fit déposer un baril de poudre sous le pavillon où elle travaillait ordinairement, et tout sauta en l’air, le pavillon et la belle couturière.

— Belle et noble manière, ma foi ! de se venger de la louable résistance de cette pauvre fille ! dit Ewenn. Mais c’était la manière d’agir de ces seigneurs avec le pauvre monde, les paysans et les roturiers, tous gens corvéables et taillables à merci, — et ils les traitaient comme de véritables bêtes de somme et pis encore !

— Dis-nous, Katel, ce que tu sais de la vieille ballade dont tu parlais tout à l’heure.

— Je ne la sais pas tout entière.

— C’est fâcheux. N’importe, dis-nous ce que tu en sais.

— Voici ce que j’en sais. Cela se chante sur un air de danse ; c’est une ronde.