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réprimer chez eux un acte d’indocilité, elles les menacent de Margéot, comme ailleurs on les menaces de Croquemitaine ou de Barbe-Bleue. Entr’autres crimes, on l’accusait de la mort d’un douanier. Je ne sais quelle raison on donne du meurtre, si Margéot faisait de la contrebande, ou s’il avait quelqu’autre sujet de haine et de vengeance contre le douanier ; mais aussitôt le crime commis, il monta, dit-on, sur un excellent cheval qu’il avait, et que l’on disait aussi être un présent de l’enfer, et se rendit à Saint-Brieuc, bride-abattue. C’était de nuit ; Saint-Brieuc est à douze ou treize lieues de Kercabin. La justice informa, fit une enquête, et, sur quelques indices et de nombreuses présomptions, Margéot fut mis en accusation. Mais, grâce à la rapidité et aux jarrets de fer de son cheval, il parvint à établir un alibi, et fut acquitté. Il mourut peu de temps après, à la grande joie de tout le pays, et quelques vieilles femmes prétendent que deux diables rouges enlevèrent son corps, pendant la veillée de mort, et que le cercueil que l’on enterra dans le cimetière de Plouëc était vide. Depuis lors, la nuit, on entend souvent un cheval arriver bride abattue dans la cour de Kercabin ; et quand les domestiques se présentent pour recevoir le voyageur attardé et mettre son cheval à l’écurie, ne trouvent ni cavalier, ni cheval, ils rentrent en maugréant et en disant : — « C’est encore ce diable de Margéot ! »