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perron, ils regardèrent dans la cour, et ne virent rien, ni homme ni cheval. Cependant ils étaient si certains d’avoir entendu le bruit des sabots d’un cheval sur le pavé de la cour, qu’ils se rendirent à l’écurie, persuadés que le cavalier y avait lui-même conduit sa monture, ou qu’un des chevaux de la maison avait rompu sa chaîne et s’était évadé. Mais ils ne trouvèrent à l’écurie ni cavalier, ni cheval étranger, et aucun des chevaux de la maison ne s’était évadé. Très étonnés de cela, ils vinrent en instruire ma tante, qui répondit tranquillement : « C’est encore le cheval de Margéot ! » — La veillée continua, et le prêtre attendu n’arriva qu’au point du jour.

Or, voici ce que c’était que ce Margéot, dont je me fis plus tard conter l’histoire, car ces simples mots : « C’est le cheval de Margéot ! » avec la circonstance mystérieuse d’un cavalier invisible, me frappèrent d’une étrange façon.

Margéot avait habité le château de Kercabin, il y avait de cela cinquante ou soixante ans. C’était un homme d’une grande force physique, violent et emporté, craint et redouté comme la peste, dans tout le pays, et sur lequel il courait d’étranges bruits. On disait qu’il avait vendu son âme au diable, pour avoir de l’argent, et qu’il égorgeait quelquefois des petits enfants, enlevés dans les campagnes, quand il les trouvait seuls. Aujourd’hui encore, dans les environs de Pontrieux, quand les mères veulent faire taire les enfants qui pleurent, ou