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d’un vague souvenir de la doctrine pythagoricienne de la transmission des âmes. Rien de plus commun que de trouver encore, parmi nos populations agricoles, des individus qui aiment leur cheval, leur vache, leur chien, avec une affection vraiment fraternelle et qui conversent avec eux comme avec de vieux amis. Vous savez comme Ar Floc’h aime son vieux cheval Maugis, et comme il le soigne. Il a toujours dans ses poches quelque croûte de pain épargnée sur son repas et dont il le régale, en le flattant de la main et en lui parlant et contant ses peines et ses espérances, quand ils travaillent aux champs.

— Il ne faut faire de mal ni à homme ni à bête qui vive, répondit Ar Floc’h, — qui sait ce que nous deviendrons un jour ?…

— J’ai entendu, dit Katel, une jeune fille, qui était servante à Kerarborn, raisonner ainsi :

— « Pourquoi donc ai-je été envoyée dans ce monde, pauvre et sans espoir de voir jamais ma position s’améliorer, puisque je n’ai aucune instruction ? Mes parents, pauvres, ignorants et malheureux eux-mêmes, ne pouvaient m’envoyer à l’école. Il faut que, dans une vie antérieure, j’aie été mauvaise et méchante, pour avoir mérité mon sort actuel. »

— Singulier raisonnement chez une servante illettrée, dit Francès.

— Tout cela n’a pas le sens commun, dit Ewerni, et il n’y a que les imbéciles pour y croire.