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Voilà donc ce fameux pont de Londres, dont j’ai si souvent entendu parler ! dit Olivier ; comme il est beau et long ! — Oui, trois fois plus long que la grâce de Dieu, dit Robert. — Rien n’est plus grand que la grâce de Dieu, mon frère, et c’est péché à toi de parler ainsi. — Parie tes chevaux et leur charge contre les miens, et de plus tout ce que tu as d’argent, que le pont de Londres est trois fois plus long que la grâce de Dieu. — Je le veux bien, mais tu perdras. — C’est ce que nous verrons. — Et qui servira d’arbitre entre nous ? — Nous allons nous adresser aux trois premières personnes qui passeront et celui de nous qui aura pour lui le témoignage de deux aura gagné. — Je le veux bien, dit Olivier, mais tu perdras, sûrement.

Robert s’adressa d’abord à un prêtre, puis à un moine, et enfin à un juge, qui vinrent à passer. Tous les trois ils furent d’accord pour reconnaître que le pont de Londres était trois fois plus long que la grâce de Dieu. Mais, c’étaient trois démons déguisés sous ces apparences. Alors, Robert dépouilla sans pitié son frère, et lui prit ses chevaux avec leur charge et son argent, jusqu’au dernier sou. Puis, il lui donna rendez-vous, en cet endroit-là même, au bout d’un an et un jour ; et ils se séparèrent et allèrent chacun de son côté.

Olivier, obligé de passer la nuit dehors, parce qu’il n’avait pas d’argent pour loger dans un hôtel ou une auberge, surprit, comme