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Bilz était encore dans la barrique, et prêtait l’oreille.

— Ce gibier de potence, cet imbécile s’imagine sans doute Être plus fin que moi ; mais, je lui prouverai qu’il n’est qu’un sot, et il verra bientôt à qui il a affaire !

— Bien sûr, mon bon seigneur, qu’il se trompe, s’il croit être plus fin que vous ; mais, c’est jeune encore, voyez-vous, et plein de présomption ; daignez l’excuser, mon bon seigneur, car il a bon cœur, après tout, et ne vous veut pas de mal.

— C’est bien, c’est bien, Marc’harit ; je l’excuserai, pour cette fois encore, mais, à la condition qu’il enlève, cette nuit même, les draps du lit où je serai couché avec ma femme.

La vieille regarda la barrique. Le doigt de Bilz était au trou de bonde, et elle répondit :

— Il le fera, mon bon seigneur, soyez-en assuré, puisque vous le désirez.

Le seigneur partit là-dessus.

Le soir venu, il disposa autour du château ses valets et tous ses gens, armés de bâtons et de fourches de fer, afin d’empêcher Bilz d’approcher. Puis, on détacha les chiens de garde. Mais Bilz s’était déjà glissé dans le jardin, sur lequel donnaient les fenêtres de la chambre à coucher du seigneur, et il s’y tenait blotti parmi les buissons de groseilliers et les hautes herbes. Il avait avec lui un homme de paille fixé au bout d’une longue perche et accoutré du pantalon, de la veste et