Page:Luzel - Veillées bretonnes, Mauger, 1879.djvu/248

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mangeant, buvant et chantant gaiement, il fut bien étonné !

— Pourquoi es-tu venu avant mon retour ? lui demanda Iann-Vraz.

— Comment !… Mais, n’es-tu pas venu toi-même me dire de partir ?

— Moi !… Je n’ai pas bougé d’ici, imbécile !

— Mais, alors, qui donc a pris ma place là-bas ?

— Hélas ! ce ne peut être que Bilz lui-même ; nous sommes joués ! Partons, vite !

— Attends que je boive au moins un peu de cidre.

Et il vida coup sur coup trois ou quatre chopines de cidre, autant de verres d’eau-de-vie, puis, ils partirent, ivres-morts tous les deux. Ils allèrent à travers champs, trébuchant et roulant à tout moment dans les douves. Enfin, ils arrivèrent, malgré tout, et ne trouvèrent personne dans l’écurie. Ils se dirigèrent à tâtons, dans l’obscurité, vers la place où était attachée la haquenée blanche du seigneur. Iann-Vraz, posant la main sur la selle placée sur la broie à broyer le lin, s’écria :

— Tout va bien, la haquenée est encore ici !

— Eh ! bien, montons dessus tous les deux, dit son camarade, et, de cette façon, Bilz ne pourra pas l’enlever, sans que nous nous en apercevions.

Et les deux valets montèrent sur la broie sellée, et crurent être sur la haquenée blanche.