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la lumière : l’obscurité était complète. Cependant, une lueur bleuâtre léchait parfois les braises recouvertes d’une couche de cendres blanches, et s’éteignait aussitôt.

Un coup de vent emporta cinq ou six ardoises, qui roulèrent avec grand bruit le long de la toiture et se brisèrent en tombant sur le pavé de la cour. Je crus un instant que c’était l’heure !… Mais noh, tout rentra dans le silence. J’attendais patiemment, en rêvant de choses et d’autres ; je n’avais pas peur. Il ne devait pas être loin de minuit, quand je crus entendre marcher dans la chambre, au-dessus de moi. Je prêtai bien l’oreille… Oui, on y marchait bien réellement ; j’avertis Tugdual : — Voici le moment ! J’entends marcher dans la chambre. — À la grâce de Dieu ! dit Tugdual, en serrant son penn-baz ; je n’ai pas peur.

Puis, j’entends descendre l’escalier, lentement, degré par degré. Le voilà d’un bond sur le bahut placé contre le lit. Il se penche sur moi. Je sens son haleine, et une odeur de diable ! Ma foi ! je tremble, je crois que j’ai peur ! Mais, je me dis : — Comment Fanch ar Manac’h tremble ! Fanch ar Manac’h a peur ! Et tout mon courage, toute ma force me reviennent. Je croise mes deux bras sur le diable qui se penchait sur moi, et je le serre de toutes mes forces contre ma poitrine. Il pousse une plainte sourde et étouffée, en se débattant ; mais, je le maintenais avec un poignet de fer, et me voilà de crier : à moi Tugdual ! à moi !…