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Voilà ce que me dit Charlès Keriot lui-même. Mais, ailleurs, l’on disait bien d’autres choses. En vain, il avait fait dire des messes pour ses parents défunts et pour tous ceux qui étaient morts dans sa maison ; en vain il avait fait bénir de nouveau la maison par le curé, et avait mis partout de l’eau bénite et du buis sacré ; rien n’y faisait, les bruits allaient toujours leur train, et le diable semblait braver l’eau bénite et les oraisons de la vieille God Madoc, que l’on disait un peu sorcière. On n’avait jamais vu pareille chose. Enfin, le pauvre Charlès Keriot ne savait plus où donner de la tête, personne ne voulait rester chez lui, tous ses domestiques le quittaient : il était fort embarrassé.

Un soir que, comme d’habitude, on parlait à la veillée du diable de Guernaham, Tugdual Kerlann, qui était avec moi domestique à Guernachanhai, dit : — Je suis ennuyé d’entendre toujours la même histoire, toujours le diable de Guernaham ! Je ne veux défier ni Dieu ni le diable ; mais, je ne suis pas peureux, et je voudrais bien savoir ce qu’il y a au fond de tout cela. Ce sera peut-être rendre un grand service à Charlès Keriot, qui est un brave et digne homme. Si donc quelqu’un d’ici veut m’accompagner, et courir avec moi les chances de l’aventure, nous irons, un de ces jours, passer la nuit à Guernaham, et nous verrons peut-être ce fameux diable.

— Jésus ! s’écrièrent toutes les femmes à la