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De son lit, Laz-Goaz récita plusieurs fois le de profundis, à haute voix, et nous répondions, de nos lits aussi. Mais, le bruit ne diminuait pas. Alors, Laz-Goaz dit encore : — Prions pour le purgatoire en général.

Et nous priâmes encore, et récitâmes une neuvaine de de profundis. Alors, le bruit diminua sensiblement, et nous pûmes aller jusqu’au malin, mais sans dormir cependant, et murmurant tout bas des prières, toute la nuit. Quand le coq chanta, au point du jour, tout bruit avait cessé, et nous remarquâmes, en nous levant, que, malgré tout le remue-ménage de la nuit, chaque chose était à sa place, ce qui nous étonna. J’allai, comme d’ordinaire, traire les vaches, à l’étable. J’étais toute à mon occupation, assise sur un escabeau, entre deux vaches. De temps en temps, je me sentais toucher légèrement l’épaule par derrière ; mais, pensant que c’était la vache placée derrière moi qui me touchait ainsi avec sa queue, en s’émouchant, je ne m’en inquiétais pas, et je me contentais de la gourmander de la voix, et de la repousser de la main, sans me détourner. Comme ce manège continuait, je me levai, impatientée, et, en me détournant, je ne fus pas peu surprise de me trouver en présence de ma tante morte, qui était debout devant moi et dans le même costume absolument où je l’avais vue, le jour où elle tomba malade. Et je voyais, sur son tablier de berlinge, jusqu’à la poussière terreuse des pommes de terre qu’elle