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II

Nous sommes dans un vieux manoir perdu au fond des bois et des landes de la Cornouaille armoricaine, le manoir de Coat-Tugdual. Après souper, l’on a dit les prières en commun, à haute voix, puis l’on a lu, en breton, la vie du saint du jour. — La veillée commence. Les hommes qui, toute la journée, ont travaillé aux champs, exposés à l’inclémence de la saison et aux rigueurs du froid, se réunissent en cercle autour d’un bon feu qui pétille et flambe joyeusement dans l’énorme cheminée armoriée. On parle de chevaux, de bœufs, de labour, des travaux de la saison. — Les femmes sont à leurs rouets et filent, en chantant des soniou amoureux et des gwerziou tragiques et guerriers. Les enfants circulent partout, grimpent sur les genoux, et, ennuyés de voir la conversation se prolonger si grave et si sérieuse, ils demandent des contes et des histoires ; des contes de géants, de nains, de lutins, de sorcières, d’apparitions nocturnes et de revenants ; des contes qui leur fassent bien peur, bien peur ! — Il fait bien froid dehors ; — on est au mois de novembre, le mois noir (miz duff) ; le vent s’emporte contre le vieux manoir et tourmente les girouettes rouillées, qui grincent et piaulent au sommet des tourelles ; de temps en temps, des hiboux et des frésaies viennent se poser sur les cheminées et le toit, et font