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Après le repas fait, on a dit les prières,
Sans oublier les morts couchés aux cimetières.
Allons ! qu’on jette encor quelques bûches au feu.
Que l’on forme le cercle. Enfants, dont l’œil est bleu,
Grimpez sur les genoux complaisants de vos pères,
Ou bien reposez-vous sur le sein de vos mères.
Femmes, à vos rouets ! Vos sônes amoureux,
Il faut les apprêter, et vos gwerz belliqueux.
Chacun doit son tribut de contes ou de sônes,
De gwerz des anciens temps, de légendes bretonnes.
Apportez largement du cidre au vieux conteur,
Pour allumer sa verve et son esprit moqueur.
C’est bien ! le cercle est fait, on garde le silence,
Le feu flambe joyeux ; — que Garandel commence.


Nous sommes, à présent, au manoir de Kerarborn, en Plouaret. C’est au mois de janvier. Il neige et il vente. Il fait grand froid, dehors. Toute la famille, avec les domestiques et les artisans, — jeunes gens, vieillards, enfants, — est réunie autour du vaste foyer de la veillée, où brûle et flambe un grand feu de bois de chêne.

Les femmes, assises à leurs rouets, filent, en chantonnant des airs bretons. D’autres tricotent ou cousent.

L’escabeau du conteur est occupé par le mendiant aveugle Garandel, du Vieux-Marché, surnommé compagnon-dall, l’homme de toute la région qui en possédait le mieux la somme des traditions populaires, contes, chansons et légendes. C’était un véritable Homère en sabots, à la mémoire inépuisable de chants et de récits de tout genre. On se le disputait, dans les manoirs et les maisons riches, comme