Page:Luzel - Veillées bretonnes, Mauger, 1879.djvu/15

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ce serait leur ôter toute leur poésie et tout leur attrait ; il faut les accepter telles quelles, et ne pas les rejeter uniquement parce qu’on ne les comprend pas ; et si vous n’y croyez pas, absolument, ne trouvez pas mauvais au moins que d’autres ne partagent pas sur ce point votre manière de voir.

Je crois donc que je puis vous parler d’apparitions et de revenants, sans trop vous déplaire ni vous ennuyer. Vous pourrez dire : — « Ça n’a pas le sens commun ; eh bien ! n’importe, on écoute avec plaisir ces contes de vieilles sorcières et de bonnes femmes ; il y a là-dedans quelque chose, je ne sais quoi, qui vous intéresse, vous retient sous une sorte de charme, et l’on sent parfois de secrets frissons de terreur qui vous parcourent tout le corps. »

Parlons donc un peu d’apparitions et de revenants ; et pour cela, restons en Breiz-Izel, notre chère Basse-Bretagne, sur cette vieille terre d’Armorique, poétique et superstitieuse, où les hommes sont restés plus primitifs, plus religieux et plus croyants qu’en aucun autre lieu de France, peut-être ; où l’on porte toujours le costume que l’on portait du temps de César, ou peu s’en faut ; où l’on parle toujours la langue des anciens Celtes, et chante de belles poésies populaires, tragiques ou sentimentales, et aussi un peu barbares, ce qui a sa nouveauté et son charme, dans nos temps de civilisation extrême, où la monotonie et l’afféterie dominent partout.