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enfants des bourgeois et des riches marchands de Morlaix. Un jour, l’aîné, voulant jouer à la toupie avec d’autres écoliers, fut repoussé par eux, et, comme il en demandait la raison, on lui répondit : — Nous ne voulons pas jouer avec toi, parce que tu n’es que le fils d’un pêcheur ; et si ton père est riche, c’est qu’il a vendu son âme au diable, pour avoir de l’argent.

Les trois frères furent bien étonnés de cette réponse, et, le soir, en arrivant à la maison, Robart dit à son père :

— Vous ne savez pas ce que m’a dit un camarade de l’école, mon père.

— Que t’a-t-il dit, mon fils ?

— Il m’a dit comme ça, que si vous êtes riche, c’est que vous avez vendu votre âme au diable, pour avoir de l’argent. N’est-ce pas ce n’est pas vrai cela, mon père ?

— Non, mes enfants, ce n’est pas vrai, répondit le vieux pêcheur. Mais, cette question parut le troubler, et il en devint triste et rêveur. Les deux aînés ne s’en inquiétèrent pas davantage ; mais le plus jeune devint aussi pensif, à partir de ce moment. À quelques jours de là, il dit à son père :

— Je vous ai entendu dire quelquefois, mon père, que vous avez un frère ermite.

— Oui, mon fils ; il habite dans la forêt du Crannou, où il est occupé nuit et jour à prier Dieu.

— Je voudrais bien connaître mon oncle