Page:Luzel - Veillées bretonnes, Mauger, 1879.djvu/118

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

maigrement encore. Quant à aller au marché aux poissons, il ne fallait pas y songer ; de telle sorte qu’il n’y avait presque jamais le sou à la maison. La femme, voyant rentrer les autres pêcheurs avec leurs barques pleines, se dépitait et malmenait souvent son mari, l’appelant maladroit, paresseux, imbécile, et le reste. Le pauvre homme en était bien malheureux et redoutait tous les jours le moment de paraître devant elle.

Un jour, qu’il était en mer, comme à l’ordinaire, le soleil allait se coucher et il n’avait encore rien pris. Il déplorait son sort et n’osait rentrer. Tout à coup, il entendit un grand bruit, et, levant la tête, il vit venir, du côté du soleil couchant, un cavalier tout habillé de rouge et monté sur un beau cheval noir, faisant jaillir le feu de ses quatre pieds et de ses narines et qui marchait sur la mer comme sur une route bien solide. Cela l’étonna fort ; il n’avait jamais vu pareille chose. Le cavalier vint droit à la barque et parla ainsi au pêcheur. — Eh ! bien, compère, la pêche est-elle bonne ? — Non, sûrement, monseigneur. — Et vous craignez d’être grondé par votre femme, en rentrant, n’est-ce pas ? — Hélas ! il n’y a plus un morceau de pain à la maison ; le boulanger refuse de nous en donner à crédit, et je ne sais comment nous ferons pour souper, ce soir.

— Je puis te tirer d’embarras ; si tu veux m’obéir, il ne te manquera rien à toi et à