Page:Luzel - Veillées bretonnes, Mauger, 1879.djvu/115

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avoir barbotté assez longtemps dans la mare, voyant l’inutilité de mes efforts, j’en sortis, les mains et la soutane toutes souillées de fange, et du bord de l’eau, avant de m’en aller, je parlai ainsi : — S’il y a là quelqu’un à qui je puisse porter secours, je le prie de parler et de m’indiquer la manière dont je puis lui être utile. — Et je dis cela à deux reprises. Comme je ne recevais d’autre réponse que les cris que vous savez, qui se faisaient toujours entendre de plus en plus fort, je continuai ma route, la conscience tranquille, et me disant que j’avais fait mon devoir. Les cris se mirent à me poursuivre et à retentir à mes oreilles, d’une façon effrayante. Et quels cris ! jusqu’alors je n’avais pas eu peur ; mais j’en eus, dès ce moment, et une peur telle que je ne sentais plus mes pieds toucher la terre, et qu’il me semblait que je ne faisais que raser le sol, comme une ombre. J’avais souvent entendu dire aux conteurs d’histoires de revenants et généralement à toutes les personnes qui avaient éprouvé de grandes frayeurs : — Mes cheveux se dressèrent sur la tête, comme les dards d’un hérisson… — et j’avais toujours pris cela pour une grande exagération, une de ces hyperboles outrées, comme il en passe tant dans la conversation. Mais, en ce moment, je vis combien cette locution était rigoureusement vrai, car mes cheveux se dressaient réellement sur ma tête et si roides, qu’ils soulevaient ma calotte. J’arrivai, je ne sais