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Je revenais une nuit d’administrer une femme qui se mourait à Place-Keranrune. Il devait être bien tard, je ne sais pas au juste quelle heure. La nuit était calme et sereine et pas obscure : une belle nuit d’été. Je m’en revenais donc vers mon presbytère, seul, mon bâton à la main, et fumant tranquillement ma pipe. Tout-à-coup, j’entendis des cris terribles, des cris aigus et perçants que je ne pus bien définir. Je pressai le pas, dans la direction des cris, persuadé qu’il y avait là quelque chose, homme ou animal, qui avait besoin d’aide. Arrivé près d’une maison qui se trouve sur le bord de la route, j’aperçus, au milieu d’une grande mare d’eau de pluie, quelque chose de blanc et d’informe et qui me parut produire ces cris étranges. Ma première pensée fut que c’était un enfant, somnambule peut-être, sorti de la maison voisine, en chemise, et tombé dans cette mare d’où il ne pouvait se retirer. J’entrai sans hésiter dans l’eau, jusqu’aux genoux ; mais, arrivé près de ce que je croyais être un enfant, quand j’allai pour le saisir, je n’embrassai que le vide. Et quand je plongeais mes mains dans l’eau, je n’en retirais que de la boue ! Je me demandai si ce n’était pas un effet de la lune dans l’eau. Mais, il n’y avait pas de lune, il n’y avait d’autre lumière que cette obscure clarté qui tombe des étoiles. Et puis, les cris continuaient toujours. Je ne revenais pas de mon étonnement. Mais, je n’avais nullement peur. Enfin, après