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que vous fussiez seul. Si vous êtes seul, cependant, racontez-vous des histoires à vous seul. C’est un autre plaisir encore, et il a bien son prix. J’ai goûté un peu de tout, et je ne me suis jamais réellement amusé d’autre chose. »

C’est ainsi que Charles Nodier, le conteur incomparable, prélude au récit de l’histoire d’Hélène Gillet, qui, sous certains rapports, ressemble à un véritable conte, et je ne saurais mieux faire, assurément, que de lui emprunter ce charmant début, pour cette troisième veillée.

Il y avait près d’une heure que l’on parlait charrois, chevaux, bœufs et vaches, et je commençais de m’ennuyer de voir la conversation continuer si longtemps sur ce chapitre.

— Allons, dit tout-à-coup Francès, assis comme d’habitude sur son escabeau, contre la pierre calcinée et luisante de suie du foyer, — c’est convenu : la jument blanche n’a pas sa pareille au monde pour la force ; — le bœuf noir ne vaut pas le diable, mange beaucoup et n’engraisse point ; — il sera vendu à la prochaine foire de Caraës (Carhaix). Les seigles ont été un peu endommagés par les nuées de corbeaux qui se sont abattus dessus, ces jours derniers ; mais les avoines et les froments s’annoncent bien, et les dernières gelées ne leur ont pas fait trop de mal. Tout présage une bonne récolte, et Dieu bénira vos travaux… Mais, causons un peu d’autres choses, maintenant. J’arrive avec mon éternel refrain : « Des