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— Je ne crois pas, dit-il, que je puisse avoir ni farine, ni son ;
Le clerc est en dessous (qui surveille), le laboureur au-dessus.

   — Taisez-vous, mon père, dit-elle, je les ferai partir de là ;
Et elle de détacher les chevaux, de les lâcher en liberté :

   Puis, de s’en retourner au moulin, et de dire au clerc :
— Il vous est temps, dit-elle, les gars, de courir après vos chevaux,

   — Laissez-les, dit le clerc, ils ne s’en iront pas hors du pays ;
Quand nous serons prêts à charger, quelque part nous les trouverons.

   Voici le second tour que joua le clerc :
Il amarra les sacs, après que (le blé) fut moulu,

   Et fit un nœud de ficelle sur chacun d’eux.
Sous prétexte d’aller à la recherche de leurs chevaux, ils sortirent alors.

   La fille alla avec une jarre prendre de la farine aux sacs[1]:
Quand elle vit les amarres, elle de dire à son père :

   — Il faudra attacher (chaque) sac en pendant à une corde.
Et le battre avec un bâton, au-dessus d’un drap blanc.

   Les gars s’étaient lassés de guetter, — ils ne s’étaient pas
_________________________________________ écarté bien loin ;
Et le jeune clerc de dire à son frère :

   — Écoute, mon frère, dit-il, je ne sais qu’est-ce que j’ai entendu ,
Je crois que le meunier est en train de battre sa femme.

   Les voilà de s’en revenir regarder par un trou qui était dans la porte.
Ils n’osèrent par pudeur demander qu’on leur ouvrît.

   — Laisse-les, dit le clerc, nous ne resterons pas dehors,
Puisqu’on a gagé notre sac, nous aurons part aux crêpes.

   — ... Voyez un peu, meunier, comme nous sommes mouillés !
Nous avons été battre tous les alentours, et nos chevaux sont perdus.

   Il fait noir au possible, et nous sommes loin de chez nous ;
Cette nuit, il faudra que nous logions dans votre maison, meunier.

   — Parfait ! dit le meunier. Il y a trois lits :
Ma femme et moi, (nous couchons) dans l’un, ma fille dans l’autre,

   Et en voilà un troisième, où personne ne couche.
On va sur le champ faire des crêpes, et vous aurez à souper.

   Quand ils eurent soupé, les voilà d’aller se coucher.
Le clerc qui ronflait, mais par les doigts,

   Vit l’héritière faire deux crêpes,
Et envelopper une chemise dans un bonnet de toile.

   L’amoureux de l’héritière devait, cette nuit-là,
Venir se divertir avec elle, dans son lit ;

  1. Gobret hon zac’had, — prélevé le droit de mouture.