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Comme il n’y avait de fleurs que les siennes,
Il y eut grand joie (au cœur) de Gilles.

Si Gilles passait par ici,
En emportant le rouet d’Anna,
Il n’est personne à l’assemblée,
Ne fût-il pas en santé, qui ne rît,
En voyant Gilles faire (la belle) jambe,
A l’intention d’Anna, tout en portant son rouet,

Et pour faire ses embarras,
Comme si elle avait des amoureux.
Anna, dès qu’elle a compris,
A saisi sa bouteille :
— C’est pour boire à votre santé, Isabelle,
Puisque le vent s’est trouvé du bon côté ;
J’ai beau ne pas être jolie,
Je n’en plais pas moins aux jeunes gens.

— Toutes tant que nous sommes ici, si nous en avions envie
Nous pourrions nous en payer autant avec notre argent,
Tout aussi bien que toi, face grêlée,
Œil noir, bouche édentée ;
Je me demande qui prend de la dépense
Pour t’envoyer à toi des bouquets.

Quand te viendra l’envie de te marier,
Tu ne trouveras personne pour t’épouser.
Eusses-tu cinq mille écus,
Si j’étais garçon, je ne voudrais point de toi...
A moins que je n’eusse besoin d’un épouvantail :
C’est de quoi tu pourrais servir à merveille.

J’ai beau n’être pas bien attifée,
Je fais mon chemin dans le monde,
Aussi bien que les poupées,
Les crêpes de pardon, les traînées ;
Six mois après leurs noces,
C’est une honte pour tous de les voir !

Je vois beaucoup de filles jolies,
Qui ne tardent pas à changer ;
Elles deviennent fainéantes comme les chiens,
Ce n’est que par la force qu’on les fait se remuer ;
Elles s’imaginent qu’on vit de beauté,
Au lieu de vivre d’honnêteté.