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— Le tien à toi est gars faraud, Quand il porte sa vieille culotte,
Qui lui a été léguée par son grand’père,
(Il y a plus d’une aune dans le fond),
Veste à queue mince et chapeau haut,
Comme Gilles, quand il va à la foire de Tréguier,

— Nous devenons tous deux des gens avancés en âge,
Nous ne suivons pas la mode, comme vous autres ;
Vous, certes, porterez des manches à gigot,
Un châle (qui descend) jusqu’à vos chaussures,
Une bordure au bas de votre jupe ;
Dessous il n’y aura pas de chemise de toile.

— Moi, il ne manque rien à ma chemise,
Car elle est blanche comme un tapis ;
Gilles, avec son paletot queue tènue (queue de pie)
Et vous avec votre corsage de toscane[1],
Votre tablier de berlinge foulé,
Vous êtes deux jolis pigeons à voir.

— Jolis assez nous sommes à voir,
En qualité de domestiques ;
Vous, certes, portez des gants,
Et du velours sur vos manches ;
Vos chaussons sont brodés,
Pendant que vos parents chaque jour mendient leur pain.

— Eh quoi ! Anna, dit Isabelle,
N’allez-vous pas bientôt vous taire ?
Je suis lasse, — et voici beau temps,
D’être insultée par des saletés !
Je ne serais pas longue, entends-tu,
A prendre prise en tes cheveux !

Le maître de la journée, quand il a vu
Combien elles étaient irritées,
S’est adressé, en termes conciliants,
Pour casser la tête à la querelle,
A l’une et à l’autre parties,
Afin de faire la paix entre elles.

Quand (les fileuses) eurent mangé leur souper,
Est arrivé Gilles,
Pour porter le rouet d’Anna,
Puisqu’il l’avait fleuri.

  1. Toscann — Tissu fait de coton bleu sur fil.