Voilà dix-huit deniers ;
Rapportez deux liards à la maison ;
(Employez) deux autres liards dans l’emplette d’une paire de sabots,
Deux liards à faire bonne chère.
J’avais vu une fille se promener, l’autre jour,
Qui avait jeté ses chaussures (de côté) pour aller danser.
Moi, de la prendre par la main pour lui demander :
— Viendriez-vous, Marie, faire un passe-pied ?
Et elle de me répondre, en brèves paroles :
— Je ne peux pas danser, je n’ai pas de chaussures !
Moi de lui dire, comme c’était jour de marché,
De venir sur la place[1] choisir des sabots.
Elle de s’en revenir de là, sur ses pas, jusqu’en ville ;
Au lieu de choisir des chaussures de bois, elle en avait volé
qui étaient en cuir.
Je la rencontrai, après qu’elle eut choisi ses chaussures.
— Maintenant par exemple, dit-elle, nous danserons tous deux !
Quand fut fini l’ébat et terminée la chose,
Je lui demandai d’aller la conduire chez elle :
Elle, de me dire, en bref langage :
— Venez donc, dit-elle, puisque vous avez bon vouloir.
Comme nous avancions quelque peu sur la grand’route,
Elle, de me dire : — « Voici venir mon homme !
Je demeurai bouche bée[2]et j’avais le bec grand (ouvert) :
Au lieu de choisir une jeune fille, j’avais choisi une femme !
Et moi, de m’en retourner de là, — je ne perdis point courage,
Et je suis venu jusqu’ici vous chanter ma chanson.
- ↑ Le marché ou la foire se tiennent souvent dans les villes de Bretagne, extra muros, sur quelque plaine vaste, comme par exemple le foar-lec’h, à Lannion. C’est ce qui explique que, dans cette chanson, la fille rentre en ville, au sortir du lieu du marché.
- ↑ Genaouec, qui a grande bouche, qui a l’air ahuri, par extension, stupide, sot.