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leur témoignaient une crainte respectueuse, les filles les aimaient avec trouble. Elles les aimaient, d’abord parce qu’ils avaient une façon à eux de conter fleurette, parce qu’ils n’étaient ni rustres ni balourds, ensuite parce qu’ils savaient l’art de chanter leurs douces, en des vers où abondaient les métaphores. Nous devons, en effet, à ces cloër les meilleures de nos chansons d’amour, quand elles ne sont pas gâtées par une grotesque pédanterie. Nous avons donné telles quelles toutes celles que nous avons pu recueillir. Il n’en est pas une, si mauvaise soit-elle, qui ne contienne quelque perle.

Reste à dire un mot du paysan et du marin. Ces deux classes d’hommes, qui constituent le fonds solide de la race armoricaine, n’ont fourni à la chanson populaire qu’une assez maigre contribution. Il semble que leur



si populaire dans nos campagnes ? Comment s’y est-elle maintenue jusqu’à nos jours ? On l’ignore. D’après les Bas-Bretons, l’Agrippa est un livre doué d’une espèce de personnalité diabolique. Il ne consent à révéler les secrets qu’il contient, qu’après avoir été battu comme plâtre. On ne le dompte qu’au prix d’un effort acharné. Au dire du peuple, tous les prêtres possèdent un Agrippa. Ils le consultent, pour savoir lesquelles sont damnées de leurs ouailles défuntes. Grâce à lui, ils peuvent aussi évoquer les morts et les Esprits infernaux. Il ne se doit lire qu’à rebours. Des profanes en ont quelquefois entre les mains un exemplaire. Ceux-là, on les respecte, on les redoute, on vient faire appel, moyennant pécune, à leurs lumières surnaturelles. « Dans les foires et dans les pardons, raconte M. Luzel, on m’a souvent montré du doigt un vieillard pensif, à l’oeil vif et intelligent, au teint hâlé, ordinairement solitaire dans la foule, et duquel on s’écartait, quand il passait. « Celui-là a un Agrippa ! » me disait-on à l’oreille. » C’était Mélo-Vraz, de Louargat ; il habitait au pied de la montagne de Bré.

Agrippa est le terme sous lequel on connaît en Tréguier le mystérieux livre. En Cornouaille finistérienne, on l’appelle Ar Vif. Mais, c’est toujours le même traité de sorcellerie, dangereux à manier et fécond en mésaventures pour qui ne sait pas l’art de s’en servir. J’en citerai quelques-unes, fort amusantes, dans un prochain volume sur « les légendes de la Mort en Basse-Bretagne. »