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qu’ils vivaient entre eux, à l’écart des autres, formaient une espèce de confrérie, s’interpellaient du nom de « cousins » et ne tenaient aucun compte du reste de l’humanité. En revanche, ils donnaient l’exemple d’une solidarité peu commune. Quand un « cousin » était trop vieux pour manier désormais la tarière ou la hache, il endossait son havresac et se transportait de hutte en hutte, bien accueilli dans toutes, nourri, logé et gratifié, au départ, d’un léger viatique. L’hospitalité qu’il recevait, il la payait en pierres à affûter, qu’il allait chercher à la baie de Craca[1], mais le plus souvent en chansons, qu’il avait retenues ou qu’il avait lui-même composées...[2]

Tels furent les fervents de la muse populaire, en Armorique. Ils s’éclipsent tous devant l’imposante catégorie des cloër. A. ceux-ci Souvestre a consacré des pages qui méritent qu’on les relise. L’école est longtemps restée, en Bretagne, ce qu’elle était au Moyen Age, l’annexe d’une église cathédrale ou de quelque grande abbaye. Les jeunes gens qu’on y élevait étaient tous destinés à entrer dans les Ordres. On les appelait clercs. La plupart ne commençaient leurs études qu’assez tard, aux approches de la seizième ou même de la dix-huitième année. Le collège pour eux n’était qu’un stage, une préparation au sacerdoce. Ils ne quittaient les bancs de la classe que pour les marches de l’autel. Aux vacances toutefois, le cloarec ou clerc reparaissait parmi les siens. Issu d’ordinaire d’une famille de cultivateurs, il se refaisait paysan, au milieu d’eux, prenait part à leurs

  1. 1 Entre la baie de Paimpol et celle de Bréhec, sur la côte du pays de Goëlo, dans la commune de Plouézec.
  2. 2 Peut-être eût il été bon de mentionner encore les tisserands, les chiffonniers ou pillawers, les ridellers ou fabricants de tamis, enfin les loaïoers ou fabricants de cuillers en bois ; les hommes des trois dernières catégories parcouraient le pays breton en tous sens, colportaient les nouvelles et les chansons.