temps, elles ont aux yeux des larmes attendries, et, sur les lèvres, un reconnaissant sourire...
Si, dès la lisière du Tréguer, la récolte de chants populaires est à ce point fructueuse, que dire du coeur même du pays et de la zone maritime ! Je signalerai plus particulièrement aux amateurs de folklorisme breton les quartiers de Ploumilliau, de Plouaret, de Pluzunet, de Buhulien, de Pédernec, de Plourivo, de Ploudaniol et de Kerhors. Je mentionne surtout ceux-là, parce que ce sont ceux que je connais le mieux. Je ne saurais donner ici une liste complète des chanteurs ou chanteuses, à la mémoire desquels M. Luzel ou moi avons eu recours. On me permettra néanmoins d’insister sur quelques noms. Je recommanderai d’abord Couillec, tailleur au Guerlesquin, mais plus encore, la veuve Peutite, à Kerbors, et la femme Mao, à Pleudaniel. La première est cardeuse d’étoupes à la fabrique de mèches pour les chandelles de résine dont se servent nos paysans. Elle chante avec beaucoup de justesse et de verve : elle m’a même avoué qu’elle composait, à ses heures. « Que voulez-vous, Monsieur, me disait-elle, je ne suis qu’une pauvresse, et mon mari est mort en mer. Je ne suis jamais gaie, mais je chante quand même : cela fait paraître le temps plus court et la vie moins mauvaise. » La femme Mao, elle, a encore son mari, qui est cordonnier. Elle l’aide, dans son état, en ravaudant les vieilles chaussures. Je ne sais pas de type breton plus pur. Elle a encore, malgré ses cinquante ans, une grâce singulière. Très intelligente avec cela, et chanteuse émérite. Tout vibre dans sa personne, quand elle chante : elle a des gestes qui miment merveilleusement. On lira, plus loin, la sôn de la fileuse dont le fils se destine à la prêtrise. Ce fut la fileuse même qui la « rima », au bruit de son rouet, en caressant son rêve de mère, de bretonne. Elle s’appelait Nann Boënz, de Lézardrieux. C’est d’elle que François Mao, qui, tout enfant, l’avait connue, tenait cette courte et délicieuse improvisation. Pour me la