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nous est représenté par lui comme un rendez-vous de chanteurs[1], Durant les soirs d’hiver, les veillées s’y prolongeaient fort avant dans la nuit. Les grâces récitées en commun, et une fois lue la vie du Saint du jour, les hommes de la maison, — tous de rudes laboureurs, — se groupaient autour de l’âtre. Les enfants se faufilaient entre leurs jambes ou s’accroupissaient aux deux angles du foyer. Alors, tandis que séchaient les habits, laissant évaporer en vagues fumées la pluie ou la neige dont ils avaient été trempés, depuis le matin, les langues se réveillaient peu à peu. On devisait des travaux du domaine, des nouvelles locales ; puis, ces sujets épuisés, venait le tour des récits merveilleux ou terrifiants. Les femmes cependant, au bas bout de la vaste cuisine, s’étaient assises à leurs rouets. Ce n’était d’abord, dans leur parage, qu’un ronron plaintif et monotone. Mais, soudain une voix, — de jeune fille ou de vieille servante, — entonnait le premier couplet d’une sôn ou d’une gwerz[2]. Les hommes aussitôt s’arrêtaient de causer et demeuraient attentifs, la pipe aux lèvres. M. Luzel doit à ces exquises soirées, non seulement les émotions qui lui


1 Et de conteurs. M. Luzel y a recueilli la plus grande partie de ses légendes. Le patriarche de ces réunions était le vieux Garandel, surnommé Compagnonn-Dall, Compagnon-l’aveugle. Tous les manoirs de la région se le disputaient. On le retenait souvent pendant des huit jours. C’était un maître chanteur, mais surtout un maître conteur. Il avait le don. La magie de ses récits captivait les âmes. Citons encore parmi les gloires populaires de Keramborgne Pipi Gourio, Barbe Tassel.

Mais le groupe ne serait pas complet, si nous ne placions au-dessus la figure vénérée de la mère de M. Luzel, qui chantait elle-même volontiers et qui a fourni à son fils plus d’un document.

2 Au Congrès celtique de 1867, à Saint-Brieuc, M. Luzel se fit accompagner d’une de ses servantes, Catô Maho. Quand il la pria de chanter devant les membres du Congrès réunis, elle le fit sans fausse honte ni gaucherie, et d’une voix si juste, avec un timbre si pur, qu’elle charma toute l’assistance.

  1. 1 Et de conteurs. M. Luzel y a recueilli la plus grande partie de ses légendes. Le patriarche de ces réunions était le vieux Garandel, surnommé Compagnonn-Dall, Compagnon-l’aveugle. Tous les manoirs de la région se le disputaient. On le retenait souvent pendant des huit jours. C’était un maître chanteur, mais surtout un maître conteur. Il avait le don. La magie de ses récits captivait les âmes. Citons encore parmi les gloires populaires de Keramborgne Pipi Gourio, Barbe Tassel.
  2. 2 Au Congrès celtique de 1867, à Saint-Brieuc, M. Luzel se fit accompagner d’une de ses servantes, Catô Maho. Quand il la pria de chanter devant les membres du Congrès réunis, elle le fit sans fausse honte ni gaucherie, et d’une voix si juste, avec un timbre si pur, qu’elle charma toute l’assistance.