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infatigable fut un nommé Le Dantec, de Lannion, vrai batteur de routes par métier (il était porteur de contraintes). D’autre part, M. de Penguern trouva dans Madame de Saint-Prix une auxiliaire précieuse. Elle fouilla pour lui, par des gens à elle, la région de Morlaix, où elle avait sa maison de ville, et celle de Callac, où était située sa résidence de campagne. La collection de M. de Penguern absorba ainsi, du moins en partie, le trésor populaire de trois arrondissements. Son auteur n’eut pas la joie, si bien gagnée cependant, de la pouvoir publier. Il mourut, avant d’avoir réalisé ce voeu suprême. Les matériaux épars de son oeuvre lui ont survécu. Après avoir passé par bien des vicissitudes, ils sont aujourd’hui déposés à la Bibliothèque Nationale, où ils forment un respectable ensemble. M. Luzel, qui en fut momentanément acquéreur, avec MM. Du Cleuziou et Halléguen, a gardé copie de quelques-uns des chants qui y sont compris. On en retrouvera un ou deux, dans le présent ouvrage. J’ai dit que M. de Penguern était un collecteur sincère. Il ne faudrait pas en conclure que toute sa collection est authentique, surtout en ce qui a trait aux chants du peuple. Lorsque M. de Penguern voulut classer ses documents et les traduire, il s’adjoignit un ancien étudiant en droit, alors en rupture de ban, René Kerambrun, de Prat. C’était un Breton de talent que ce René Kerambrun, et qui possédait pleinement sa langue. Mais, un peu besoigneux, et pour prendre M. de Penguern par son faible, il crut pouvoir, sans forfaire, lui glisser en mains, comme choses frappées à l’estampille du peuple, certaines pièces qu’il avait lui-même fabriquées[1]. Tels les chants intitulés Menec’h ann Enezen C’hlaz (les Moines

  1. 1 Il ne faudrait pas croire, d’après ce que je dis, que René Kerambrun n’était qu’un vulgaire mystificateur. C’était une nature très douce, et très droite, et de tous points sympathique. Il regardait ses innocents mensonges poétiques comme suffisamment excusés par la joie qu’ils causaient au bon M. de Penguern. De son temps, d’ailleurs, c'étaient là fautes vénielles, et il aurait pu s’autoriser d’illustres exemples.