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concerne, je professe pour le talent de M. de la Villemarqué et pour les signalés services qu’il a rendus, qu’il continue de rendre à la cause des lettres bretonnes, la plus sincère et la plus profonde des vénérations. Mais, je ne puis qu’être de l’avis de ceux qui contestent aux chants du Barzaz-Breiz les caractères d’une authenticité complète. J’ignore comment M. de la Villemarqué s’y est pris pour recueillir ces chants. Ce que j’affirme, c’est que le peuple, — du moins dans les régions que j’ai parcourues, — non seulement ne les chante plus tels que M. de la Villemarqué les donne, mais même en a désappris les plus parfaits, en supposant qu’il les ait jamais connus. J’ai souvent répété l’expérience que voici et que chacun peut recommencer, pour son propre compte. Après avoir réuni autour de moi des chanteurs et des chanteuses, réputés pour la richesse et la sûreté de leur mémoire, je leur lisais quelque morceau du Barzaz-Breiz. Comme j’opérais en pays trégorrois, je choisissais de préférence les pièces qui portaient l’indication : iez Treguer, dialecte de Tréguier, — et qui, vraisemblablement recueillis dans la contrée de ce nom, devaient par suite éveiller le plus de souvenirs dans l’esprit de mes auditeurs. Ceux-ci reconnaissaient bien au passage, de ci de là, quelques vers qui leur étaient familiers, mais rarement un tout complet, jamais une pièce entière. Tantôt, ils gardaient un silence désappointé, quand surgissaient dans ma lecture des locutions, des tournures, des membres de phrases incompréhensibles pour eux et qui avaient, en effet, physionomie galloise ou goélique, plutôt que bretonne. Tantôt, ils protestaient bruyamment, invoquaient le témoignage l’un de l’autre, et se récriaient : « Non, non, Monsieur, ce n’est pas ainsi ! » Lorsque je leur demandais de rétablir le texte, ils fauchaient, hélas ! sans



rééditée en brochure, chez Corfmat, à Lorient. On y trouvera tout l’historique de la question à laquelle, je ne fais que toucher.