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Et les deux voyageurs continuèrent leur route, tout en causant.

Jannig, resté seul, se demandait qui pouvaient être ces deux étrangers, qui avaient fort bonne mine, et qui lui avaient cependant dit des choses si étranges.

— Sans doute qu’ils ont voulu se moquer de moi, pensait-il ; n’importe, voyons un peu. J’ai faim, et je n’ai là qu’une croûte de pain d’orge tout moisi… Si pourtant ce qu’ils m’ont dit pouvait être vrai !… Ils avaient l’air d’honnêtes gens… Il y a bien longtemps que je n’ai pas fait de bon repas ! Avant que mon père se fût remarié, j’avais quelquefois du pain blanc, des crêpes et un morceau de lard, et même des saucisses et des boudins ! Ah ! si je pouvais voir toutes ces bonnes choses, à l’ombre de ce hêtre !...

Et, aussitôt le souhait formé, il vit toutes ces choses, sur une nappe blanche étendue sur le gazon, à l’ombre du hêtre. Il en fut si étonné, qu’il resta à les contempler, immobile, et la bouche et les yeux grands ouverts. Il croyait rêver. Il s’approcha doucement, et comme s’il craignait que tout s’envolât et disparût au moindre bruit. Quand il fut près de ces mets délicieux, dont la vue et l’odeur lui faisaient venir l’eau à la bouche, il regarda de tous côtés, et, ne voyant personne, il prit une saucisse et y mordit à belles