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— Je vous suis bien obligée, mes braves gens, et puisse le bon Dieu vous protéger.

Et ils partirent. Mais la vieille se dit aussitôt :

— Hola ! c’est à merveille ! Je ne serai pas longtemps à présent à battre tout mon blé, et il ne faudra pas, pour cela, dépenser beaucoup d’argent.

Et sa servante et son domestique et elle étalèrent de nouveau de l’avoine sur l’aire, puis elle y mit le feu, comme elle l’avait vu faire à Notre-Seigneur. Mais, hélas ! tout fut consumé, et la paille et le grain, et la voilà de se lamenter et de crier qu’elle était ruinée !

Rien de bon ne se fait dans ce monde sans travail et sans peine.[1]

  1. Dans un conte de l’excellent recueil de M. Paul Sébillot : Contes populaires de la Haute-Bretagne, on nous représente aussi Jésus-Christ voyageant avec saint Pierre et saint Jean. Ils logent une nuit chez une pauvre vieille femme qui n’a qu’un lit à leur offrir, de sorte qu’il leur faut coucher tous les trois ensemble. Le lendemain matin, avant de prendre congé de la vieille, Jésus-Christ l’enrichit, sur la prière de ses deux compagnons de voyage, et tout en exprimant la crainte de la rendre ainsi moins compatissante et moins charitable.

    Un an plus tard, nos trois voyageurs, repassant par le même endroit, demandèrent encore l’hospitalité à la même femme, qui avait fait bâtir une maison neuve et était devenue une grosse fermière.

    Ils furent assez mal reçus, traités de fainéants et envoyés coucher sans manger, et toujours dans le même lit.

    Le lendemain, au chant du coq, la vieille vint les réveiller pour aider ses valets à battre le grain sur l’aire. Et comme ils ne se pressaient pas, elle prit un bâton et se mit à frapper sur celui qui était couché sur le devant du lit. C’était saint Pierre. Puis elle alla surveiller ses hommes, en disant qu’elle reviendrait, s’ils tardaient à se lever. Ils ne se levèrent pas, étant fatigués de la veille. Mais comme saint Pierre se plaignait des coups qu’il avait reçus, Jésus-Christ lui dit de passer au milieu et prit sa place sur le devant. La vieille revint bientôt à la charge, et ce fut le bon Dieu qui, cette fois, sentit le poids de sa colère, et surtout de son bâton.
    Saint Jean, qui était dans la ruelle du lit, échangea alors sa place contre celle de saint Pierre, sur la demande de celui-ci, qui espérait se mettre à l’abri des coups. Mais il n’en fut rien, et les coups tombèrent encore sur lui, la vieille prétendant que le plus âgé devait le bon exemple aux autres.

    J’ai aussi trouvé cet épisode en Basse-Bretagne, dans une autre version qui ne diffère que sur ce point seulement de celle que je donne ici.

    Cf. aussi la version de E. Ernault, Revue celtique.