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Sans-Souci qui ferrait tranquillement des chevaux, selon son ordinaire.

— Comment, Sans-Souci, lui dit l’envoyé de Dieu, peux-tu retenir si longtemps la Mort prisonnière dans ta forge ? Voilà cent ans qu’il n’est mort personne, et partout on se plaint, dans l’enfer, dans le purgatoire, dans le paradis, mais surtout sur la terre ! Tout le monde veut mourir, à présent. On implore la mort comme l’unique remède à tous les maux, comme l’ange libérateur. Le bon Dieu m’a envoyé vers toi pour te dire de la mettre en liberté sur le champ.

— C’est ma foi vrai, répondit Sans-Souci ; il y a longtemps qu’elle est là assise, dans son fauteuil, et, comme elle dort et ne fait aucun bruit, je l’avais tout à fait oubliée. Je vais lui rendre la liberté et la laisser partir avec vous. Mais je suis pressé pour le moment. Voyez, que de chevaux à ma porte ! Le temps seulement de mettre quelques clous aux pieds de derrière de ce cheval blanc que vous voyez, et qui appartient au seigneur du château voisin, et je suis à vous. Mais asseyez-vous, en attendant, sur le fauteuil, à côté du grand Faucheur ; il y a place pour deux.

Et l’ange s’assit aussi dans le fauteuil, à côté de la Mort. Alors Sans-Souci ferma la porte de la forge sur la Mort et son ange, mit la clé dans sa poche et partit avec les cartes que le bon Dieu