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puis plusieurs autres après. La Mort, voyant cela, dit encore :

— Allons ! il faut partir, car j’ai beaucoup de chemin à faire encore aujourd’hui ; je ne puis attendre plus longtemps.

— Vous m’ennuyez à la fin ! Donnez-moi la paix et me laissez faire tranquillement mon ouvrage ! lui répondit Sans-Souci, quand il fut sûr qu’elle ne pouvait pas quitter son fauteuil.

Et il continua de travailler le reste de la journée, puis le lendemain, puis le surlendemain, puis pendant des mois et des années, et la Mort restait toujours clouée sur son fauteuil, et quand elle lui parlait de partir, il se contentait de siffler et de lui rire au nez ; et cela dura longtemps ainsi.

Bref, il y avait cent ans que la Mort était prisonnière de Sans-Souci, et personne ne l’avait vue, pendant tout ce temps-là, et l’on s’inquiétait de ce qu’elle était devenue. Bien plus, on la regrettait et on l’implorait partout, à présent, comme on la détestait et la maudissait, auparavant. On ne mourait plus, et l’on en était venu à regarder la vie comme le plus grand des maux. Enfin, le bon Dieu eut pitié des pauvres humains (C'est, sans doute, une expérience qu’il avait voulu faire) et il envoya l’ange de la Mort vers Sans-Souci, pour lui dire de rendre la liberté à la Mort.

Quand l’ange arriva dans la forge, il trouva