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ceaux, et rien n’est plus mauvais. Ainsi fit un jour la nourrice du jeune prince, et le démon, qui veille et guette toujours les occasions, profita de cet oubli pour enlever l’enfant, le transporter en Allemagne et le déposer dans un nid de pie, au sommet d’un orme, dans le jardin d’un archevêque. Puis il mit à sa place, dans le berceau, un des siens, noir, sale, horrible à voir, un véritable monstre !

Tout ceci s’était fait sans bruit, et le lendemain matin, la nourrice, en trouvant dans le berceau royal cet être si laid, si criard et noir comme Lucifer, poussa un cri d’horreur et s’évanouit. On accourut au bruit. Hélas ! le mal était fait, et c’était trop tard ! Et voilà le roi et la reine désolés et plus malheureux encore que devant. Ils se résignèrent pourtant, puisque c’était la volonté de Dieu, et donnèrent des ordres pour que le petit monstre fût traité comme leur enfant. Mais celui-ci maltraitait ses nourrices, les épuisait, puis les tuait, en suçant leur sang. Chaque semaine, il fallait lui en fournir une nouvelle, et il ne voulait pas entendre parler de le sevrer. À l’âge de dix ans, il tétait encore. Cependant le peuple se plaignit, et le roi donna l’ordre de ne plus lui fournir de nourrices. Il poussa alors des cris affreux et se démena comme un véritable démon qu’il était. Il demanda qu’on lui fournît