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conte bas-breton intitulé : Le Prince blanc et où l’élément païen et l’élément chrétien sont aussi confondus, le héros va, non plus vers le soleil, mais vers le Père Éternel, pour lui adresser plusieurs questions du même genre que celles du conte précédent. Il arrive au pied du mont Sinaï, qu’il gravit péniblement. Plus loin, il rencontre, dans un chemin creux, deux arbres qui s’entrechoquent si violemment, que leur écorce vole en éclats, avec des fragments de bois. Les deux arbres s’arrêtent un moment, pour le laisser passer, mais à la condition qu’il demandera au Père Éternel et leur dira, au retour, pourquoi on les force ainsi à se battre continuellement, depuis six cents ans. Plus loin, c’est une vieille femme qui file, assise sur son rouet, barrant le passage, et elle refuse aussi de le laisser passer, s’il ne lui promet de savoir du Père Éternel pourquoi on la retient ainsi à filer, dans ce chemin, depuis huit cents ans. Plus loin encore, il arrive à un bras de mer, où 11 trouve un passeur qui refuse de le conduire sur la rive opposée, à moins qu’il ne veuille demander au Père Éternel pourquoi on le retient ainsi sur son bateau de passeur depuis neuf cents ans, et s’il a encore longtemps à y rester. Il promet, et le passeur lui fait alors passer la Mer Rouge.

Il gravit ensuite, péniblement, une haute montagne, au sommet de laquelle est une grande et belle plaine, où il voit un troupeau de petits agneaux bondissants et bêlants. Mais leurs bêlements ont quelque chose de triste. Il passe et rencontre, un peu plus loin, une chapelle dont la porte est fermée. Il frappe à la porte, et un vieillard vient lui ouvrir. C’est saint Pierre. Enfin, il arrive jusqu’au Père Éternel, lui adresse ses questions et en reçoit les réponses suivantes :

— Les petits agneaux aux bêlements tristes sont des enfants morts sans baptême. Le vieux passeur sur son bateau sera délivré quand il aura trouvé quelqu’un pour y prendre sa place ; mais il ne faut le lui dire qu’après avoir passé le bras de mer. La vieille fileuse sur son rouet a profané le repos du dimanche, et doit filer éternellement, jusqu’à ce qu’elle ait tué quelqu’un d’un coup de sa quenouille ou de son fuseau. Il ne faut le lui