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pain, du pain blanc et du lard sur la table. Et les voilà de manger à discrétion, car pain blanc et lard fumant, il y en avait abondamment.

À partir de ce jour, la vie et le train de maison de Jean L’Andouar devinrent tout autres. Il acheta des habits neufs pour lui et pour ses enfants ; il fit bâtir une maison neuve, acquit quelques champs dans le voisinage, et devint un des plus riches du pays, puisqu’il lui suffisait de souhaiter quelque chose pour l’avoir aussitôt. Tout le monde était étonné d’un changement si subit, et l’on croyait généralement qu’il avait trouvé un trésor ; quelques-uns l’accusaient même d’avoir vendu son âme au diable, pour avoir de l’argent. Tous les pauvres étaient bien accueillis par Jean L’Andouar et trouvaient chez lui nourriture et vêtements. Et pourtant, comme il arrive souvent avec le temps, la prospérité endurcit son cœur, et il en vint peu à peu à oublier sa première condition.

Un jour, il donnait un grand repas dans sa maison, et il y avait invité tous les riches des environs et les gros bonnets de sa commune. Le matin, il recommanda à ses valets de ne laisser entrer aucun mendiant, même dans la cour du château (il avait à présent un château), car on ne donnerait pas l’aumône ce jour-là. Deux domestiques, armés de bâtons, furent placés à la porte