Page:Luzel - Gwerziou Breiz-Izel vol 1 1868.djvu/97

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


LA FAMINE.
________


I

Esprit saint, esprit léger,
Donnez-moi pouvoir et lumière,
Pour composer un gwerz nouveau.
Un gwerz sur la famine.

II

Le pauvre arriva dans la maison,
Demandant, au nom de Dieu,
Un morceau de pain, pour se soulager.
Un petit morceau, pour ne pas mourir.

Et le mari dit à sa femme,
Touché de compassion à sa vue :
— J’ai grand’pitié de lui.
Donnez-lui quelque chose. —
 
— A quoi te sert d’avoir femme ?
Tu veux donc que nous régalions tout le monde ?
Que les pauvres restent dans leurs cantons ;
En faisant ainsi, tu seras misérable toi-même ! —
 
— Tu sais bien que le blé est cher,
Et on ne trouve pas de travail ;
La journée du pauvre n’est rien,
Et le blé est si cher, pour avoir du pain ! —

— J’ai dix-huit bigodes[1] de blé,
Et ce n’est pas pour fes fainéants ;
Si c’est moi qui commande ici,
Du diable s’il a rien ! —

Le mari, étonné de l’entendre.
Dit encore une fois :
— Donnez un morceau au pauvre, pour vivre.
J’ai grand’pitié de lui ! —

— Si c’est moi qui commande ici.
Du diable s’il a le moindre morceau ! —
Le pauvre sent son cœur défaillir.
Et il meurt de faim !

  1. (1) Mesure dont je ne connais pas la capacité.