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JEANNE LA SORCIERE.
PREMIÈRE VERSION.
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I

   — Allons tous les deux, Jeanne, au pardon du Guéodet,
Il y a longtemps que j’ai promis, d’y aller. —

   Jeanne disait, quand elle fut près du Guéodet :
— Voici, par exemple, un beau champ de blé !

   Voici, par exemple, un beau champ de seigle.
Et quand nous retournerons, il n’y aura que de l’ivraie !

   Il a fallu pour l’ensemencer dix-huit boisseaux,
Et quand il sera mûr à couper, il n’en restera pas un quart !

   Quand il sera mûr à couper, il n’en restera pas un quart ;
Et quand il sera vanné, il n’y en aura pas une écuellée ! —

   — Gâtez-en là la largeur d’une nappe à vanner,
Et je verrai alors si vous êtes sorcière. —

   — Sauf votre grâce, dit-elle, mon père, je ne puis faire cela,
Car je ruinerais le pays tout entier. —

   — Retournons à la maison, Jeanne, retournons tous les deux.
Et disons de bon cœur adieu aux pardons. —

II

   Jean, le chef de ménage, disait à sa femme, en arrivant à la maison :
— Nous avons nourri une fille qui sait gâter le blé (1)[1] ;

   Je vais la recommander au procureur fiscal. —
Jean, le chef de ménage, disait au procureur fiscal :

   — Nous avons nourri une fille qui sait gâter le blé.
Faites votre possible à son endroit, pour nous, nous l’avons fait. —

   — Amenez-moi votre fille, pour être interrogée
Et condamnée devant le tribunal, si elle l’a mérité. —

III

   — Dites-moi, Jeanne, maintenant que vous êtes condamnée.
Comment avez-vous appris le secret pour gâter le blé ? —

   — Un gardeur de moutons qui était chez mon père.
M’emmenait chaque nuit au sabbat,

  1. (1) Gwalla, gâter au moyen d’un sortilège.