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NOTE.


Cette ballade doit être très-ancienne. On la trouve, non-seulement dans la Bretagne, où elle est connue partout, je crois, mais encore dans presque toute la France, et dans plusieurs contrées de l’Europe, fort éloignées les unes des autres. En Danemarck, le héros s’appelle sire Olaf, en Italie, le comte Angiolino, ailleurs, chef Magnus, en France, Jean Renaud, qu’on désigne tour à tour sous les titres de roi, prince ou seigneur, et qui finit même, dans certaines localités, par devenir tout simplement le fils d’un riche bourgeois. Les chanteurs bretons l’appellent aussi tantôt comte (ann aotro ar c’hont ; tantôt seigneur (ann aotro Nann). M. de La Villemarqué[1] a fait remarquer le premier que le nom breton Nann n’est qu’une abréviation de Reunann ou Ronann, qui signifie homme velu, et qu’il ne serait peut-être pas téméraire de penser que le nom français Renaud en dérive.

Mais quelle doit être la version primitive ? Les critiques ne sont pas d’accord à ce sujet. M. Rathery réclame la priorité pour la version française, s’appuyant sur un texte recueilli par M. Boucher d’Argis, à Orléans, mais qui proviendrait de la Bretagne ; tandis que M. Gaston Paris prend fait et cause pour les versions bretonne et danoise, et ses raisons me paraissent excellentes : « Je persiste, dit-il, à penser que la rencontre avec une fée était l’introduction de la plus ancienne forme, antérieure sans doute à toute version française. Ce trait mythologique étant tombé, on lui a substitué des explications diverses : Renaud est blessé à la guerre dans plusieurs versions ; décousu par un sanglier, dans celle de M. Argis ; mordu par un chien enragé, dans la chanson vicentine ; ailleurs, condamné à mort. La fée (Elfe, Korrigan) ne subsiste qu’en danois et en breton. » Dans la finale, j’ai souvent entendu les chanteurs faire alterner les couplets bretons avec ceux de la ballade française : Ah ! dites-moi, ma mère ma mie, etc. ...

MM. de La Villemarqué, Ampère, Gérard de Nerval, Buchon, Tarbé, Brachet, Rathery, J. Bujaud, De Puymaigre, Ad. Wolff, Nigra, presque tous ceux, enfin, qui se sont occupés de poésie populaire, ont donné des versions de cette ballade.

Quoique ces trois versions ne différent pas entre elles d’une manière bien essentielle, j’ai cru devoir les donner in extenso, a cause de l’importance de la pièce. J’en ai d’autres, mais elles ne contiennent aucun détail qui ne soit compris dans une de celles que j’ai données.

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  1. Note Wikisource : Lire en ligne Le Seigneur Nann et la Fée dans le Barzaz Breiz de M. de La Villemarqué.